Le Désert de Lompoul: l’un des gisements de Zircon les plus importants au monde

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Senegal-Lompoul-@Serigne-Sarr-CC-BY-4.0

En ces temps où la volonté d’un renouveau Africain démontre toute sa vigueur et sa résolution, j’ai voulu révéler dans cet article la situation inquiétante sévissant actuellement dans le désert de Lompoul.


En effet, dans l’indifférence générale, civile et gouvernementale, le désert du Lompoul et ses multiples ressources liées au tourisme et à l’éco-tourisme, au maraîchage, à l’élevage et à la pêche, et surtout liées à ses incroyables teneurs en minerais précieux, continue d’être dévasté dans les règles de l’art le plus détestable: celui du profit.

Une exploitation très prolifique conclue pour 25 ans

L’ exploiteur : la société minière franco-australienne Grande Côte Opérations, dont le groupe français Eramet détient 90% et l’Etat du Sénégal 10%, pour une entente d’une durée de 25 ans sur une zone de 107 sur 4,5 km sur le littoral sénégalais, entre Dakar et Saint-Louis.


Cette societé minière CGO extrait les minerais précieux comme le zircon, l’ilménite et le rutile, minerais utilisés dans la fabrication de matériaux de construction, en joaillerie, dans l’industrie nucléaire, le secteur automobile, et même le secteur dentaire, se positionnant ainsi sur le marché du luxe et de la haute technologie.


Sur 150 000 tonnes de sables traités chaque jour, seuls 2 % de ses minéraux sont conservés et directement acheminés vers l’étranger. Quoiqu’il soit impossible de le vérifier.


L’entreprise a exporté plus de 750 000 tonnes de concentré de sables minéralisés en 2022, 804 000 tonnes en 2021, dont 15 % de zircon, avec une forte estimation à la hausse de la « production » pour les années suivantes, selon son directeur général Guillaume Kurek qui fait déjà 300 millions d’euros de chiffre d’affaires. Soient 195 milliards 821 millions de francs Cfa.

Dégâts sociaux, écologiques et climatiques irréversibles

La société d’exploitation minière CGO exploite donc une superficie de 107 km sur 4,5km, officiellement.. Non seulement le désert de Lompoul est concerné, mais la zone agricole des Niayes l’est également et en subit les assauts.
Pour se faire, la sociéte CGO a recours à une (ou plusieurs) mine mobile qui progresse de quelques dizaines de mètres par jour, sur plus d’un kilomètre. Après l’arrachage d’une partie de la bande de filaos, et des milliers d’eucalyptus plantés pour fixer les dunes, après le rasage des champs et des habitations, la drague flottant sur un bassin artificiel pompe le sable, et l’envoie à l’unité de concentration qui sépare le sable minéralisé du sable ordinaire, et rejette ainsi dans le désert un sable déminéralisé.

Un sable dépossédé de son Essence . Un sable qui a perdu sa couche fertile.. Stérilité qui entraine de fait la disparition des plantes originales, et oblige les agriculteurs de la zone de Niayes à amender les sols.


La destruction systématique du bouclier végétal qui fixe les dunes, pour permettre le passage de la mine mobile, fait entrevoir la probabilité quasi-absolue d’un impact infiniment néfaste sur le plan environnemental, laissant les espaces concernés destructurés et dénaturés, les habitations rescapées et les zones agricoles à découvert et à la merci de toute incohérence méteorologique, en ces temps menacés par des évènements de plus en plus fréquents imputés au réchauffement climatique.


En plus de la destruction de l’éco-système, le pompage perpétuel des nappes phréatiques pour alimenter le bassin artificiel nécessaire à la drague et à l’unité de concentration fait dangereusement baisser le niveau de l’eau, impliquant des forages de plus en plus profond pour la puiser. Tous ces paramètres ne peuvent qu’affecter lourdement la production de fruit et légumes de la Zone des Niayes, en qualité et en quantité, à côté de tous les dommages collatéraux humains, écologiques, économiques, alimentaires et même sanitaires.


Et oui! CGO nous offre la complète! Les routes qu’empruntent les engins et les pistes latéritiques sans entretien provoquent le soulèvement de particules et de poussières occasionnant des maladies au moins respiratoires chez les populations, malgré les dénégations d’un responsable local de la société d’exploitation. Je rajoûte que depuis le début de l’exploitation, trois villages et 2 000 personnes ont subi un déplacement forcé, une dyslocation de leur vie sans indemnisation; les maraîchers, éleveurs, pêcheurs et acteurs du tourisme ont été dépossédés de leur moyen de subsistance, et seule une indemnisation dérisoire est envisagée pour les opérateurs touristiques.

Une oasis artificielle dans un désert déminéralisé

Sous prétexte de vouloir compenser les pertes économiques informelles et maintenir l’activité des petits restos, des loisirs, des balades en chameaux, des prestations artistiques ou de la vente d’artisanat, la société minière a décidé de construire une oasis artificielle en reconstituant une dune de sable et une palmeraie, encadrant un plan d’eau de 2000m2, et comprenant l’aménagement du littoral proche.
Autrement dit, un complexe touristique de luxe sur plus de 8 hectares, et, avec un brin d’imagination, qui pourrait être accessible directement par bateau.. Ces infrastructures devraient ensuite être cédées (offertes ou administrées ?) à la Sapco qui aura la charge de trouver les tours-opérateurs pour proposer la destination. Un projet de 5 millions d’euro qui a été décidé arbitrairement sans l’aval ni l’accord des populations concernées, et qui affiche grossièrement et sans scrupule l’accaparement du magnifique concept touristique du Festival du désert de Lompoul et de la manne potentielle qu’il sera en mesure de générer avec un marketing, les partenariats et un investissement à la hauteur. Quant à la gestion par la Sapco, il sera judicieux de voir quelles seront les réelles conditions d’exploitation financière au final et qui seront les réels bénéficiaires de ces structures touristiques.

À creuser aussi, les conditions de bail ou de cession de ce terrain de plus de 8 hectares..
Donc si on fait un petit récapitulatif de la situation, après le pillage des minerais précieux, après la dévastation de l’éco-système, (désertification, érosion, salinisation, pertes de fertilité, contaminations et pollutions, impact sur la nappe phréatique), après l’expulsion d’une partie des populations des zones du désert de Lompoul et de la zone des Niayes, après avoir confisqué les activités des habitants et leur source de revenus, cette société minière, propriétaire à 90% de l’exploitation, se prépare donc à tirer en outre des bénéfices (on prétendra que non) d’une structure touristique sur 8 hectares, usurpant sans vergogne et aux yeux de tous le concept du Festival de Lompoul qu’elle a elle-même saboté, et prétextant dédommager ainsi toutes les victimes que sa prédation a causé sans le moindre état d’âme. L ‘expression Pompier-pyromane trouve ici tout son sens!


Il est même possible que le projet de fermes solaires dans le secteur concerné ait déjà mûri dans leurs cerveaux affûtés par l’appât du gain.

Le Sénégal vers sa souveraineté? Ou pas.

L’ agression que subit cette région, à l’instar de celle que subit depuis des années la région de Niafourang pour les mêmes ressources en minerais illustre parfaitement les réalités que les peuples africains ont décidé de ne plus accepter dorénavant. Et il ne s’agit de rien de moins que le refus impérieux du mépris de leurs existences, de leur santé, de leur activité, leur éducation, leurs aspirations, leurs ambitions.. Il s’agit du refus de la négation de leur souveraineté, du refus des pillages de LEURS ressources, du racket de leurs terres, du sacrifice de leurs enfants…


Un pays comme le Sénégal, qui se targue d’un gouvernement tout neuf et bienveillant, un gouvernement protecteur de la souveraineté et du meilleur être de sa population, en rupture assumée avec les errements du passé, libérateur de l’allégeance séculaire et quasi-féodale, un gouvernement qui a promis de répudier la servitude conventionnelle, un tel pays ne peut décemment tout simplement pas laisser une telle agression se perpétuer en son seing, en laissant les ressources minières s’envoler à 90% des années durant, en laissant ses citoyens se faire persécuter et dépouiller, en laissant chaque jour le saccage écologique faire plus de carnage.
Si une action gouvernementale n’est pas déclenchée, alors l’agression organisée et légale que subit cette portion du Sénégal démontrera l’irresponsabilité assumée de part et d’autre, et l’absence d’anticipation indéniable, si ce n’est juste une indifférence absolue.

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